Prise de contact – Suzuki Katana 1000
Katana !
Nom mythique s’il en est un dans le monde de la moto ! Le choix par Suzuki du design innovateur de l’allemand Hans Muth (le mot semble bien pauvre) se voulait une réponse aux ventes stagnantes des motos sportives de la marque à l’époque. En effet, au début des années 80, les motos dites sportives (chez Suzuki la GS 1000 puis 1100) n’étaient en fait que des motos standards sans plus d’artifices.
La Katana avec son style radical se devait de mettre la marque d’Hamamatsu sur la sellette. Et comme l’histoire le démontra, la mission fut accomplie avec brio, la preuve, on en parle toujours 40 ans plus tard ! Le nom a bien été ressuscité durant plusieurs années (1988 à 2006) en version 600, 750 et 1100cc mais les formes toutes en rondeurs contrastaient et le marché visé était tout autre.
Revenons donc à l’instant présent et posons-nous la question du pourquoi un retour et comment il s’effectua ? Si la Katana originale descendait d’une moto standard, la version contemporaine tire pour sa part sa motorisation d’un icône de la catégorie sportive, la GSX-R 1000 de 2005 (K5 pour les intimes) qui demeure selon plusieurs la dernière véritable sportive munie d’une quatre en ligne sans assistance électronique. Il s’agit en fait du même moteur propulsant les GSX-S1000 depuis 2015. En fait, la Katana utilise la même partie cycle sauf pour l’esthétisme et.. le réservoir qui se voit amputer de 5 litres passant de 17 à un mince 12 litres de contenance, nous y reviendrons…
Mon premier contact avec la Katana actuelle se fit au salon de la moto de 2020, ce qui semble déjà une éternité ! J’avais trouvé l’idée bonne, en ces temps de nostalgie, ressortir un nom mythique et en faire un hommage, car il s’agit bien d’un hommage et non d’une réplique. Produire une moto esthétiquement similaire à ce qui existait il y a de ça quarante ans c’est bien beau lors d’une discussion dans le garage avec une « tite frette », mais dans le vrai monde ce n’est pas viable. Par exemple, une roue avant de 19’’, une suspension arrière à double amortisseurs, un cadre pas des plus rigides, des freins à simple piston, refroidissement par air et une position de conduite pas vraiment accueillante pour la clientèle qui se dit friande de nostalgie !
En contrepartie la version actuelle offre une position ergonomiquement neutre, une hauteur de selle raisonnable et un poids à faire rougir son ancêtre !
Contrairement à ce que je croyais, la livrée noire de ma machine d’essai a séduit bien des motocyclistes sur son passage, surtout ceux n’ayant pas connu les belles années 80… Pour ma part la grise m’attire plus, mais là se sont mes cheveux gris qui parlent ! Les similitudes entre l’originale et l’hommage sont parfois subtiles comme la fonte du lettrage Suzuki sur le réservoir, ce dernier constituant presque à lui seul la réussite du concept tant il est similaire. L’illusion est parfaite mais il s’agit d’une version à l’échelle car en 82 c’est bien 21 litres qu’il contenait au lieu des 12 actuels.
La forme du carénage constitue un autre bon coup, même si un petit saute vent en deux parties aurait été plus pratique et conforme à sa généalogie… Un autre souhait qui aurait pu être réalisable mais budget oblige, le compte-tours récupéré des GSX-S1000 aurait pu être affublé d’un visuel semblable à l’asymétrique et célèbre combinaison de 1982. La partie arrière du garde-boue/porte plaque, bien qu’essentielle pour l’homologation ne fait carrément pas l’unanimité.
Bon, maintenant que le blabla est terminé, roulons donc la machine pour découvrir si l’hommage en vaut la peine ou s’il s’agit juste d’un bibelot.
Comme mentionné précédemment, la clientèle visée étant pré-gériatrique (mon âge en fait), la position de conduite demeure celle de la GSX-S, soit une position droite avec guidon plat. Un guidon bracelet ne trouverait tout simplement pas sa place dans l’ensemble de la géométrie de direction et du réservoir concept (Pour que ça fonctionne, il faudrait embosser le réservoir de chaque côté pour laisser place au guidon, on oublie le projet !). En mettant le moteur en marche, on se demande si l’échappement est de série tellement le ronronnement semble « illégal ». Ce «beau bruit» est même accompagné d’une sonorité d’admission lorsqu’on fait monter les régimes, je peux vous dire que je me suis gâté plus d’une fois… N’ayant pas de gadgets électronique pour me distraire et c’est très bien ainsi, je ne fis que quelques tests avec l’ajustement de la traction. Habituellement cet outil sert aussi d’anti-wheelie, et bien sur la Katana en mode #2 on peut se faire surprendre, allons-y modérément ! Avec un réservoir ne contenant que 12 litres (je sais c’est la troisième fois que je le mentionne) je ne m’attendais pas à rouler longtemps avant de devoir scanner les stations d’essence. À ma grande surprise, il est facilement possible de rouler un bon 200 km avant de devoir refaire le plein et ce en roulant la bête comme il se doit.
Là où la limitation se fait sentir c’est du côté de la protection inexistante face au vent. Tel une voile de bateau bien tendue, le pilote offre une emprise au vent assez considérable. Un pare-brise de remplacement existe sur le marché mais personnellement il ne servirait que pour les longues balades tant cela massacrerait l’allure de la machine. Ai-je mentionné que le moteur K5 se comporte comme il se doit ? Coupleux, facile à prendre des tours et vibreux juste assez pour se rendre compte qu’il est bien vivant. Les freins sont aussi un point fort, facile à moduler et amplement puissants.
Là où je suis resté sur ma faim, c’est du côté de l’ajustement des suspensions. Me considérant dans la moyenne à 170 lbs, je m’attendais de pouvoir calibrer les suspensions selon mes désirs. À l’avant ce fut un succès mais à l’arrière, même en ajustant la précharge au minimum (avec un outil qui brillait par son absence dans la mini-trousse incluse sous la selle) je n'arrivais pas à faire affaisser la selle de plus de quelques mm. Même chose pour la détente qui peinait à se comporter tel que désiré même ajustée à un tour de la position fermée. Sur chaussée lisse aucun problème, mais lorsque les bosses et trous assez fréquents au Québec se mirent de la partie, je dû ralentir mes ardeurs. Mis à part ces petits problèmes d’ajustement, le comportement général de la machine sur chaussée lisse permettait d’y aller assez agressivement dans les enchaînements de courbes. Le rayon de braquage qui semble limité en manipulant la moto dans le garage ne l’affecte pas vraiment lors de demi-tours sur la route ou dans les stationnements. Le confort de la position de conduite permet de se rendre aux limites de l’autonomie du réservoir sans peine sauf si roulé sur autoroute par grand vent.
Finalement, est-ce que Suzuki a misé dans le mille avec sa nouvelle Katana ?
Si le but était de faire parler et tourner les/têtes je réponds oui sans hésitation.
À qui s’adresse-t-elle ?
Aux nostalgiques bien sûr, mais aussi à ceux qui veulent une machine qui sort de l’ordinaire mais sans devenir un intime avec leur chiropraticien. Dans le segment rétro à la japonaise, elle affronte la Yamaha XSR 900 et la Kawasaki Z900RS Café. Deux motos assez populaires mais qui n’ont pas le pedigree de la Katana.
Les +
- Moteur coupleux, aimant monter en régime
- Freins puissants (Brembo/Nissin)
- Cadre solide
- Position de conduite droite
- Hauteur de selle raisonnable
- Sonorité d’échappement grisante
- Fait tourner les têtes à tout coup
Les –
- Position ne rappelant pas l’originale…
- Esthétique de la partie arrière laissant à désirer pour certains
- Suspensions difficiles à calibrer
- Trousse d’outils ridiculement minimaliste !
- Pas de livret virtuel du propriétaire
- Tout le monde a quelque chose à dire en rapport aux Katana…
Autonomie : environ 200 km
Durée de la prise de contact : 230 km
Consommation observée : 5,49 L/100 km
MagazineMoto remercie Suzuki Canada inc et RPM Rive-Sud pour la disponibilité de la moto.
Et nous remercions aussi « Benoît », le proprio de la Katana originale pour la séance de photos.
Marc Paradis, Éditeur Sénior et Pilote d'essai