Essai – Aprilia Shiver 900 2018
Le roadster sans complexe
Depuis son introduction au pays, il y a plus de dix ans, je n’avais pas encore eu l’occasion de rouler la Shiver d’Aprilia. Je ne me fis donc pas prier lorsqu’on m’offrit d’enrouler quelques centaines de kilomètres au compteur de la version 2018, gonflée de 750 à 900cc.
La catégorie des roadsters « en-dessous de un litre » n’a cessé de croître ces dernières années et c’est la principale raison de l’augmentation de cylindrée en faisant passer la course du piston de 56.4mm à 67.4mm obtenant du coup une cylindrée de 896cc. Ce qui fait passer la puissance à un respectable 94 chevaux (au vilebrequin) et bon pour un couple de 66 pi/lbs @ 6500 trs/min. En comparaison, la version 750 développait 60 livres @ 4500 trs/min. Bien que ce gain semble obtenu haut dans les régimes, le moulin aimant tourner, on se retrouve assez rapidement dans le haut du compte-tours…
Mais avant de parler du comportement routier, faisons le tour du propriétaire.
L’effet visuel est réussi. Combien de motos restent littéralement collées au plancher des salles de montre seulement en raison de leur manque de sex appeal ? Ce n’est pas le cas avec la nouvelle version de la Shiver avec son cadre treillis, ressort de l’amortisseur et couvercles de valves rouges éclatants. De plus, la touche #be a racer sur les roues ne manque pas d’attirer l’attention à l’arrêt. Les barres de maintien passager sont aussi très pratiques pour ancrer des bagages. Les pots d’échappement sous la selle se terminent par des embouts munis d’un capuchon faisant un peu penser à ceux des défuntes Honda CX650E. Dans ce cas-ci, les gaz sont évacués vers l’extérieur, contribuant au confort du passager selon Aprilia.
D’un côté moins bien réussi, le renvoie du radiateur (tube de caoutchouc noir) pendant du côté droit gagnerait à être mieux dissimulé. En prenant place sur la selle pour la première fois, on note que l’angle de la béquille est assez prononcé. Ceci ne pose pas de problème sur surface durcie, mais sur un sol meuble mieux vaut avoir avec soi une plaque métallique afin d’éviter que la moto s’enfonce et se retrouve sur le côté ! Le poids situé haut nous rappelle qu’il s’agit d’une 900 et non pas d’une machine d’initiation.
En tournant la clé, le centre d’informations s’illumine de tous ses témoins lumineux de même qu’une petite animation nous rappelant que nous allons piloter une Shiver 900 ! Toutes la panoplie d’informations essentielles au pilotage y sont disponibles via le commutateur activé par le pouce gauche, sauf une jauge à essence…
Le menu est simple et changer le niveau d’intrusion du contrôle de la traction (3 niveaux et aussi désactivable en roulant) se fait sans perdre la route de vue. Les commodos sont ergonomiques (on ne cherche pas le bouton des clignotants et il s’engage facilement en plus d’être à retour automatique après environ 500 mètres, une caractéristique répandue à une autre époque et qui fait plaisir à voir réapparaitre) !
Première en bas, on roule !
Le démarrage, sans avoir besoin de tirer sur la manette d’embrayage, s’effectue en une simple pression du bouton de démarrage lorsque la machine est au point mort bien sûr… Ce dernier sert aussi pour sélectionner les modes d’injections une fois le moteur en marche, il suffit de couper les gaz et de choisir entre le mode tourisme, pluie ou sport. La sonorité émise par les pots d’échappement sous la selle laissent présager une addiction à jouer de l’accélérateur tellement le ronronnement invite à la composition de symphonies V-Twin ! L’embrayage hydraulique (à glissement contrôlé) permet un ajustement en quatre positions tout comme pour le frein avant, caractéristiques appréciées pour ceux qui comme moi aiment un certain standard dans la position des commandes.
Un petit tour dans le stationnement me confirme que les butées de direction limitent la manœuvrabilité à basse vitesse, ce qui sera confirmé lors de la séance de photos, un demi-tour nécessitant toute la largeur de la petite route secondaire. Première montée en régime, ça tire pas pire ! (C’est normal, c’est quand même une 900cc me direz-vous, mais dans ma tête je pense encore avoir affaire à une 750cc…).
Les lumières de changement de rapport (shift light) m’indiquent qu’il serait peut-être temps de passer aux rapports supérieurs… ce qui se fait sans protestation de la part de la boite de vitesse qui, tout au long de l’essai, ne manquera aucun changement de vitesse ni de faux point mort. L’utilisation d’un sélecteur direct et non connecté via une tringlerie ne doit pas y être étrangère. L’entrée sur l’autoroute et l’intégration à la circulation ne pose aucun problème, devant plutôt ralentir qu’accélérer… Lors des essais de motos dénudées, la partie ennuyeuse demeure toujours la portion autoroute en raison bien sûr de l’exposition au vent, mais aussi parce que par définition, un roadster ça aime dévorer des routes (sinueuses).
Cependant, la portion de l’Autoroute 40 entre Trois-Rivières et Cap-Santé me permis de découvrir les qualités de routière de la Shiver. Il y a bien sûr quelques vibrations, mais en variant le régime moteur, je me suis trouvé une portion agréable dans les alentours de 4500 trs/min. L’ajout d’un pare-brise à montage/démonte rapide (il ne faut pas trop abimer le look de la machine lorsque ce n’est pas nécessaire) et de sacoches souples transformeraient la moto en un outil de tourisme léger agréable. Rendu à Cap-Santé, l’appel des routes secondaires se fit entendre et je décidai de me rendre à la maison par les rangs au lieu de continuer sur la 40, ce que la Shiver apprécia autant que moi ! En prenant la bretelle, je retardai mon freinage le plus possible pour tester les freins bien sûr (qui sont puissants mais demandent une application plutôt ferme, il faut dire que la moto est flambant neuve) et aussi pour avoir un avant-goût de la tenue de route et de la garde au sol. Pas de surprise de ce côté, la moto garde la ligne commandée et offre pleinement de garde au sol au cas où… Un peu comme un cheval qui s’est retenu tout l’hiver dans l’écurie, cette moto me donne l’impression de me demander de lui fournir le plus de courbes possible afin de se dégourdir les jambes (oui, oui, je sais dans ce cas on devrait parler de roues). Ce que je m’empresse de lui fournir et bien m’en fasse.
La suspension qui me semble un peu dure à l’arrière (un ajustement une fois rendu à la maison la rendra plus moelleuse pour le reste de l’essai) s’acquitte bien de sa tâche, soit de garder les roues en contact avec l’asphalte même si parfois le pilote semble lui demander le contraire… Le passage dans les villages me vaut quelques regards admiratifs, il faut dire que la sonorité des pots d’échappement y est pour quelque chose, un beau son rauque pas agressant mais qui donne une présence et qui divertie le pilote qui s’amuse à jouer avec les rapports (affichés sur le tableau de bord) juste pour l’entendre compresser et laisser aller quelques flatulences (je parle ici de la moto).
Lorsqu’on dispose d’une moto équipée de modes de conduite adaptés aux conditions, il faut nécessairement les tester. La facilité de passer de l’un à l’autre des modes me permis de les comparer et d’en voir les principales différences. Le mode tourisme, étant celui sélectionné par défaut, je m’en sers donc comme mesure-étalon (tant qu’à parler de chevaux, elle était facile celle-là). Aucun à-coup dans la conduite, tout se fait en douceur et la puissance semble au rendez-vous. Mode sport : oups, la puissance m’apparait plus présente et la conduite s’en voit affectée, le docteur Jekyll est disparu laissant place à un Mr Hyde pas trop agressif, mais juste assez. Pour ce qui est du mode pluie, son utilisation sur le sec ne me semble pas justifiée, sauf pour les débutants qui ne voudraient pas se voir intimidés par la pleine puissance de la bête. Par contre, pour une utilisation sous la pluie, que j’ai pu tester grâce à une averse providentielle, son efficacité ne laisse aucun doute. La livrée de puissance limitée (en prime si nous utilisons le contrôle de la traction au niveau 3, soit le plus élevé) permet des accélérations la poignée en pleine ouverture sans crainte d’une perte de contrôle lors de l’accélération et ce même en virage. Rouler avec passager constitue un aspect que je ne néglige jamais lors des essais de motos, celle-ci n’y échappa donc pas elle non plus.
La portion réservée au passager semble spacieuse en comparaison avec d’autres sportives et roadsters et elle l’est. Ma passagère ne s’est pas plainte de la qualité de la selle mais un peu de la distance limitée entre celle-ci et les repose-pieds recouverts de caoutchouc (petite attention qui devrait être standard sur toutes les motos). J’imagine que les passagers de moins de 5’ 6’’ ne rencontreront pas ce problème.
Petits détails intéressants :
Pour une moto de ce prix, le centre d’information (tableau de bord pour les anciens) change son affichage noir sur blanc pour son négatif, blanc sur fond noir lorsque la luminosité devient insuffisante pour sa bonne lecture, et ce même en plein jour dans des sections boisées. Pour les maniaques de technologie cellulaire dont je ne fais pas partie, l’AMP : Aprilia Multifonction Platform est une option pour téléphones intelligents permettant le transfert de data du téléphone vers le centre d’informations.
L’arrêt pour faire le plein me fait découvrir un orifice bien pensé qui permet tout juste d’insérer le pistolet sans qu’aucune éclaboussure ne vienne ruiner la peinture du réservoir. Parlant d’essence, la consommation instantanée, moyenne et globale est aussi disponible en jouant du sélecteur avec le pouce gauche.
Finalement à qui s’adresse cette moto ?
Aprilia Vise les acheteurs qui sont des passionnés de moto, dans la tranche d’âge 25-55 ans (Ouf, j’en suis encore pour quelques années !) disposant d’un revenu moyen à élevé, attirés par la technologie et le souci de l’esthétique qui va chercher son information sur les sites/blogues moto. Je serais donc un bon acheteur potentiel. Elle pourrait facilement remplacer ma vieillissante SV650 que j’adore mais qui, lorsque comparée à la Shiver fait figure de parent pauvre…
Compétition :
Le fabricant positionne la Shiver contre les Kawasaki Z900, Triumph Street Triple et Yamaha MT-09. La barre semble élevée, surtout pour quelqu’un qui ne se fierait qu’aux fiches techniques et qu’aux performances en ligne droite. La Shiver a beaucoup à offrir et ce pas seulement du côté flash et exotisme. Le caractère et la facilité de prise en main font bon ménage dans un emballage pas laid du tout. Elle vaut donc la peine d’être considérée lorsqu’un acheteur de roadster dresse sa liste de choix potentiels et si la possibilité d’en essayer une se prête, allez-y, vous ne serez pas déçu. C’est le genre de moto qu’on rapporte à regret de ne pouvoir la rouler plus longtemps après en avoir fait l’essai…
Marc Paradis, Chroniqueur et Pilote d'essai
Magazinemoto.com
Nous remercions Motos Thibault de Trois-Rivières pour leur collaboration à cet essai.
http ://www.motosthibault.ca/ http ://www.aprilia.com/ca_FR/
Fiche technique
Moteur :
Bicylindre en L à 90 degrés refroidit par liquide DACT 4 soupapes par cylindre
Cylindrée : 896cc
Rapport volumétrique : 11 à 1
Puissance : 95,2 ch. à 8750 trs/min
Couple : 90 Nm (9.17 kg/m) @ 6,500 trs/min
Boite de vitesse : 6 rapports
Transmission finale par chaine
Partie Cycle :
Cadre en treillis en acier combiné à des longerons en aluminium
Suspension avant : Fourche inversée de 41mm ajustable en précharge et détente à débattement de 130mm
Suspension arrière : Mono-amortisseur ajustable en précharge et détente à débattement de 130mm
Freins avant : Deux disques de 320 mm avec étrier radiaux à quatre pistons et ABS
Frein arrière : Disque de 240mm avec étrier à un piston et ABS
Pneu avant/arrière : 120/70 ZR17 180/55 ZR17
Empattement : 2120mm
Hauteur de la selle : 810mm
Poids à sec : 189kg (445 lbs)
Réservoir de carburant : 15 litres
Consommation observée : 5,4 l/100km mesuré 5,3 selon Aprilia
Durée de l’essai : 564km
Prix : 9995$
Garantie : 2 ans kilométrage illimité