Synthèse de l'essai de la Honda CRF 1000 (Africa Twin) DCT 2017
Après avoir fait l'essai de la Honda CRF1000 à transmission régulière l'année dernière, nous avions lancé à Honda Canada l'idée de tester la version DCT dans un périple mixte (autoroute, routes secondaires et hors pavage) plus long.
Le pont de la Confédération
Nous vous présentons ici une synthèse de l'essai avec quelques observations complémentaires. Les principales particularités de l'Africa Twin DCT 2017 ont été présentées lors des reportages au cours de l'essai. Vous trouverez, au long de la présente synthèse, quelques renvois vers les articles originaux où vous pourrez retrouver plus de détails sur les caractéristiques spécifiques.
L'idée, c'était de voir si la moto pouvait être aussi versatile dans un spectre d'utilisation alliant tourisme, longues distances, routes secondaires et sorties hors pavage que ce nous en avions perçu lors de notre essai court terme.
Pour faire court, oui !
Avec évidemment quelques bémols ici et là.
Petite pause méritée
Mais commençons par le plan de match.
- Partir de Québec, descendre jusqu'à l'Île du Cap-Breton en faisant le tour par le sud du Nouveau-Brunswick en suivant la Trans-Canadienne.
- Prendre les routes secondaires pour aller faire le tour des lacs Bras D'or et aboutir à Baddeck.
- Faire le tour du Cabot Trail en explorant quelques-unes des petites routes avoisinantes.
- Rallier l'Île du Prince-Édouard par la terre (plutôt que le traversier) pour aller explorer quelques plages en dehors des routes usuelles du circuit touristique.
- Et revenir sur Québec, d'une seule traite, en faisant Charlottetown-Québec en remontant la côte du Nouveau-Brunswick jusqu'à Miramichi pour ensuite couper vers l'ouest par une route secondaire/forestière isolée sur 130 kilomètres et rejoindre la Trans-Canada à Edmundston.
Accueil en Nouvelle-Écosse
Survol de l'itinéraire :
09 juin – Québec à Moncton NB (798 km)
10 juin – Moncton à Baddeck NS (Île du Cap-Breton) par les lacs Bras-D'Or (597 km)
11 juin – Boucle sur le Cabot Trail (367 km)
12 juin – Baddeck à Charlottetown IPE (418 km)
13 juin – Boucle Île du Prince-Édouard (173 km)
14 juin – Charlottetown à Québec par la 108 NB (875 km)
Avec les quelques détours additionnels, un total de 3290 kilomètres en 6 jours dont 2 journées de kilométrage plutôt massif et dans des conditions météo exécrables.
Lorsque j'ai pris la moto chez Honda (Boucherville), elle affichait 349 kilomètres.
À la fin de la première journée, elle en montrait déjà 1131 !
Est-ce que l'Africa Twin peut le faire, certainement !
Est-ce que c'était la "meilleure" moto pour chacun de ces segments, pas tout à fait.
Est-ce que mon opinion aurait été différente si j'avais mené le même parcours mais avec une approche différente, absolument !
Parfois, il faut retrouver son chemin
Et voici les bémols …
Pour faire de la grand'route, par mauvais temps, ce n'est pas la meilleure machine.
La faiblesse, c'est l'exposition du pilote au vent, à la pluie, et au froid.
Ce que je ferais différemment, ce serait d'abord de limiter les journées d'autoroutes aux environs de 600 kilomètres.
Et aussi de l'équiper d'un pare-brise différent et des valises de Mr. Honda. Et peut-être d'un siège différent …
Le pare-brise d'origine est très correct pour les usages "normaux", mais pour des journées entières d'autoroutes dans des conditions adverses, il n'offre pas assez de protection.
Le pilote est donc exposé au vent du torse à la tête. Et les épaules sont aussi exposées, beaucoup.
J'ai eu droit à une journée entière de vent et de pluie pour me rendre à Moncton. Je n'ai pas eu froid et je n'ai pas été mouillé (vive les vêtements efficaces), mais bon sang que j'étais fatigué.
Idem pour la journée du retour à la maison. Pas agréable. Mais il faut dire que je suis habitué aux machines de tourisme.
Coup d'oeil sur la Cabot Trail
Il fallait donc que tout mon matériel se retrouve dans mon sac à bagage, dans le sac de queue et mon sac de réservoir.
Tout ça finit par être assez pesant, surtout que je voyage lourd, avec les caméras et tout le barda.
Et ainsi réparti, mon bagage était situé très haut sur la moto, qui est déjà un peu haute.
Le pilotage de la moto n'a pas été outrageusement affecté, mais certaines manœuvres à basse vitesse présentaient un défi … pour le dire poliment.
Peu importe l'état de la chaussée, l'Africa Twin n'en fait qu'une bouchée
Tenue de route et suspensions
Par contre, en termes de tenue de route et de maniabilité, sur le pavage ou hors pavage, quelle machine !
J'ai pu y goûter particulièrement lors des deux journées où j'ai pu rouler sans les bagages d'abord pour faire le Cabot Trail et ensuite pour une journée d'exploration sur l'Île du Prince-Édouard.
Le débattement des suspensions permet d'absorber toutes les irrégularités et autres défauts de la route – qu'il y ait une route ou non.
De plus, elles sont faciles à régler, et les réglages font effet. L'ajustement de la précharge sur la suspension arrière, de type hydraulique avec un bouton rotatif, est facile à manipuler.
À l'avant aussi, les ajustements sont simples à faire et il est facile de trouver la plage de réglages souhaités.
Au bout du bout du chemin de Meat Cove
Automatique, manuelle, ou un peu des deux
J'avais quelques réserves initiales au regard de la transmission.
Allait-elle être trop intrusive ?
Allais-je avoir à me battre avec pour que la moto réagisse comme je le voulais ?
Comment des ingénieurs dans un bureau pourraient savoir mieux que moi quand faire les changements de rapports ?
G, D, S, N, R/M – plus simple qu'il n'y semble
La réponse simple, c'est que ça fonctionne. Sans chichi, sans drame, sans même que j'aie à me battre avec. Dans les faits, ça plutôt été le contraire.
Après les trois premières minutes, car c'est le temps qu'il aura fallu pour que je me familiarise avec, c'était déjà devenu naturel.
Tout simple … On enclenche la transmission, puis on a plus à y penser. Pour vrai.
Pendant que j'étais sur la route, j'ai écrit un article assez complet qui en décrit le fonctionnement, vu des manipulations par le pilote.
L'article est ici : Transmission et contrôles
Résumons qu'il est facile de passer d'un mode à l'autre et qu'en tout temps le pilote peut contrôler le choix du rapport de transmission avec les commandes "+" et "-". Monsieur Honda offre en option un levier de changement de vitesse. Celui-ci a toutes les allures d'un levier normal, au pied gauche. Mais il n'est dans les faits qu'un commutateur électrique qui a le même rôle que les commandes "+" et "-" du guidon gauche.
Je m'en suis servi deux ou trois fois, plutôt par curiosité. Mon opinion, c'est que c'est totalement inutile en plus de présenter un risque de bris.
Soyez les bienvenus à Meat Cove – la fin du monde selon la carte
Ergonomie et systèmes d'aide au pilotage
Le tableau de bord est lisible dans toutes les conditions, et il présente de façon assez cohérente l'information. Il y a bien certainement une certaine familiarisation initiale pour repérer et interpréter certaines informations.
Un des aspects que j'ai particulièrement apprécié c'est que chaque indicateur a sa place – il n'est pas nécessaire de toucher à répétition des commutateurs pour faire alterner des informations dans une fenêtre ou une autre.
Une fois que le pilote a appris où se trouve une information donnée, elle est toujours là, facile à consulter, sans manipulations distrayantes.
Expresso au Sterling Room Club de Tatamagouche, Nouvelle-Écosse
Parmi les fonctions paramétrables sur l'Africa Twin, il y a l'anti patinage. Il vaut mieux en ajuster le niveau d'intervention, ou le désactiver, AVANT que le besoin se présente. Je ne répéterai pas l'anecdote ici, mais sachez que l'anti patinage, à son réglage de base, intervient très efficacement – presque trop si vous avez en tête de faire ouvrir le train arrière en sortie de courbe sur la "garnotte". Vous pouvez lire l'anecdote dans le second article publié durant l'essai: Anecdote mode "G"
Sur le chemin du retour de ma plage secrète à l'Île du Prince-Édouard
Un peu dans le même esprit, l'ABS est désactivable pour la roue arrière. Il y a plusieurs conditions de pilotage où il est souhaitable de pourvoir contrôler le freinage de la roue arrière sans intervention du système ABS. Comme la majorité des autres paramètres de la moto, ce réglage est ajustable à la volée, en roulant. Pratique, et nécessaire dans certaines conditions.
Le pont au-dessus du chenail par où passent les bateaux des pêcheurs de homard
La configuration de la moto est parfaite, ou presque. Debout, assis, déporté d'un côté ou de l'autre, plus vers l'avant ou l'arrière, il est toujours facile de contrôler la moto. Les commandes sont bien situées et faciles à opérer, peu importe les conditions. Dans la lignée des petits bémols liés à l'usage en tourisme, le guidon est un peu haut et éloigné si on pense à de longues journées d'autoroute. Par contre, en dehors des autoroutes, là où le pilote bouge plus, où on tourne et contre-braque à qui mieux-mieux – bref, quand c'est un peu plus physique, c'est le bonheur. La position de pilotage favorise le contrôle de la machine. Le siège est malgré tout plutôt confortable et il permet, ou n'entrave aucunement, les mouvements.
Le seul accès à ma plage secrète sur l'Île du Prince-Édouard
Dédoublement de personnalité
Ajoutons à tout cela que le moteur est à la fois soyeux en temps normal et agressif au besoin. Coupleux à souhait, il fait aussi montre d'un certain plaisir à tourner plus haut dans les tours. Elle a deux personnalités différentes qu'on peut illustrer par 2 portraits. À une extrémité, avec la transmission en mode "D", contrôle de traction en fonction, ABS actif, les suspensions un peu relâchées et ainsi de suite, la moto est souple et sécurisante. En mode "S" au niveau 1, avec l'option garnotte activée (le bouton "G"), l'ABS arrière désactivé et les suspensions raffermies, c'est une bête au tempérament nerveux qui peut facilement mettre dans le trouble un pilote moins aguerri.
La sonorité de l'échappement est au diapason – juste assez pour souligner l'enthousiasme avec des harmonies réjouissantes !
Non, elle ne flotte pas … un moment donné, il faut revenir à la terre ferme
Et puis, peut-elle tout faire ?
Avec quelques ajustements, ou adaptations, elle peut effectivement tout faire.
Admettons que le pilote aura quelques choix à faire.
Si par exemple on voulait privilégier l'usage en tourisme, un pare-brise plus grand et des valises seront un incontournable, tout comme un siège plus adapté.
Ces adaptations, sans nuire aux autres caractéristiques de la machine, viendrait possiblement réduire un peu la versatilité hors route.
De la même façon, si on voulait privilégier le hors route, ce serait potentiellement au détriment de ses vertus routières.
Le compromis idéal, à mon point de vue, ce serait simplement d'accepter ses forces et ses faiblesses et de composer avec.
Les forces sont nombreuses, les faiblesses rares.
L'Africa Twin est une moto étonnante.
Nous remercions Honda Canada pour la disponibilité de cette moto.
Un des avantages d'une moto aux capacités hors route, ce sont les paysages où les autres ne peuvent aller
Alain Labadie, Éditeur en chef, Pilote d'essai
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