Point de friction #3 – Juillet 2019
La survie des dinosaures ou Jurassique Marc
Comme vous, j’ai grandi en regardant Fred Cailloux se démener avec son auto à propulsion pédestre de même que sa pelle mécanique dinosaure. Vous vous demandez sans doute où je veux en venir avec cette introduction et je vous comprends, j’en ferais de même à votre place. Étant assez, disons « expérimenté », pour avoir roulé durant les quatre dernières décennies, je conserve d’assez bons souvenirs de chacune d’elles tant sur le plan des machines qui m’ont fait traverser ces presque quarante années, mais aussi de toutes les modes, avancées technologiques et habitudes de consommation. Durant les années 80, un motocycliste qui roulait sur une moto vieille de 2 ans était considéré comme passé mode tellement à chaque année l’évolution des montures faisait un bond en avant considérable. Les modèles sportifs recevaient la plus grande attention, mais les customs n’étaient pas en reste non plus, plusieurs disposants des mêmes traitements que leurs cousines athlétiques.
Nous avons vu apparaitre (et aussi disparaitre les deux premiers) les roues de 16 pouces et les fourches anti-plongée, le refroidissement liquide, la multiplication des valves (passant de 2 à 5 chez Yamaha), la suspension à mono-amortisseur, les pneus radiaux, les cadres périmétriques, les freins ABS et finalement l’injection électronique pour ne nommer que ceux-là. Vous comme moi, nous ne pourrions plus nous passer de ces avancées et ici je ne parle même pas de toutes les aides électroniques équipant aussi les motos milieu de gamme. Ce printemps, je décidai de modifier quelque peu ma flotte de motos. Le processus ayant déjà pris forme l’an dernier (vendu trois motos hors-route pour les remplacer par une double-usage et une super-moto) je me suis dit qu’un peu de changement au niveau de mes motos de route complèterait bien cette vague de renouveau.
J’ai regardé partir la FZ-1, la SV650S et la petite CBR250R avec un peu de nostalgie. La première m’ayant accompagnée en vacances durant les trois dernières années, la seconde, achetée pour permettre à Vincent de débuter sur la route en 2014 et la dernière avait servi à Xavier lors de son initiation au pilotage sur piste, on connait la suite… Je me retrouvais donc avec la moitié de ma flotte munie d’un vétuste carburateur (la DRZ) ! Il faut dire qu’à part la nécessité de laisser réchauffer le mono le temps de mettre mes gants et mon casque, ce rituel ne me dérange pas le moins du monde. Ce fut donc un point négligeable lorsque je me mis à la recherche de ma prochaine moto à usage uniquement routier. Ayant eu la chance d’effectuer un galop d’essai sur la Z900 de mon ami Jean Lepage l’automne dernier, je me suis mis à la recherche d’une semblable dans le marché d’occasion.
Durant mes recherches, je me surpris à faire de la visualisation. Et en m’imaginant m’éloigner de ma moto stationnée, je me surpris à contempler une moto que finalement je ne trouvais pas si belle que ça. Je dirais même qu’en la retournant de tous les côtés je n’arrivais pas à lui trouver de morceaux attirants… Vint alors une sérieuse réflexion (qui dura presqu’une journée entière) à savoir quelle serait la moto qui, depuis mes débuts m’a toujours attiré mais que je n’ai jamais pu posséder pour quelque raison que ce soit (en fait il s’agit toujours de la même raison $). Dans les années 80, une FJ1200 m’aurait comblé. Durant les années 90, une Bandit 1200 (en fait j’ai possédé un modèle 2000 pendant quelques années et j’avais bien aimé). Pour la première décennie du nouveau millénaire, les ZRX1100 et 1200 me faisaient de l’œil mais les obligations familiales m’ont fait regarder ailleurs… Aujourd’hui, plusieurs années plus tard, trouver une FJ1200 1986 en parfait état relève du défi herculéen. Dénicher une ZRX serait plus réaliste et avec un peu de chance je pourrais même en trouver une en bon état et de la couleur que je préfère, le rouge GPZ (je sais les puristes diront qu’une ZRX se doit d’être verte Kawasaki tout comme la KZ1000R Eddie Lawson Replica l’était au début des années 80).
Je me mis donc à la recherche de mon Saint Graal avec passablement de succès. Après avoir éliminé les motos ayant trop « vécu » et dont les modifications laissaient à désirer, je décidai de jeter mon dévolu sur un modèle 2004 dont l’état pourrait faire rougir certaines motos neuves dans les salles de montre. Bien sûr, elle ne peut se comparer à ses consœurs modernes sur tous les tableaux. Elle est lourde (492 lbs à sec), ne possède aucune assistance électronique ni freins ABS, deux amortisseurs à l’arrière, un tableau de bord uniquement analogique et comble du malheur elle respire son mélange air/essence via quatre carburateurs Keihin 36mm ! Me voici donc avec deux machines préhistoriques grand bien m’en fasse ! Tous ces petits inconvénients disparaissent lorsque j’enfourche ma Rex. Son poids se dissipe comme par enchantement, les suspensions lorsque bien réglées travaillent étonnamment bien et la simplicité du tableau de bord me fait revenir en arrière à une époque où regarder en avant était la priorité…
Pour ce qui est de la procédure de démarrage elle est aussi simple que pour la DRZ, il suffit juste que je prenne un peu plus mon temps pour enfiler mon casque et mes gants… Et le comble du bonheur, lorsque je la regarde en m’éloignant dans le stationnement je ne peux m’empêcher de me dire que j’ai fait le bon choix après tant d’années d’attente.
Marc Paradis, Éditeur Senior
MagazineMoto.com
