Moto Guzzi Stone V7 III – L’italienne sobre mais pas trop…
Rouler une Moto Guzzi au Québec de nos jours demeure encore une activité quelque peu marginale. Beaucoup moins que par les années passées (j’en rencontre presque chaque fois que je fais une randonnée) mais la marque demeure toujours un mystère pour les non-initiés. On m’a encore demandé qui fabriquait ces motos… c’est pourtant simple, c’est inscrit dessus ! Pour la forme voici donc un petit résumé rapide de l’histoire de la marque.
Fondée en 1921 par Carlo Guzzi, la marque n’aurait jamais connu une grande renommée et aurait même été vouée à la faillite (Carlo étant plus riche en idées qu’en lires) si ce n’eut été de ses compères Giorgio Parodi et Giovanni Ravelli. Leur plan étant constitué comme suit : le premier devait s’occuper de trouver les fonds nécessaire au développement des motos et le second devait mener les dites motos à la victoire en course. Malheureusement, Ravelli ne put jamais effectuer un seul tour de roue, se tuant dans un accident d’avion quelques jours après la fin de la guerre 14-18. Malgré ce malheur les deux autres réussirent à mettre sur pied la compagnie dont l’emblème de l’aigle en vol se veut un hommage à leur compagnon disparu.
Juste pour votre information, cette première moto comportait les éléments techniques suivants : quatre soupapes par cylindre, arbre à cames en tête, transmission primaire à pignons et cylindre disposé à l’horizontale (à la CT70). Plusieurs modèles de diverses cylindrées furent produits de part et d’autre de la seconde guerre mondiale. Les succès en course et la recherche de plus de performance amènent le développement de monstres telle la fameuse machine de Grand Prix V8 de 1956 refroidie au liquide avec double arbre à cames capable d’un régime maximal de 12 000 trs/min ! Malheureusement, l’année suivante Moto Guzzi se retire des compétitions. La demande de motos pour les forces policières de même que pour l’armée mènent à une demande inusitée : Guzzi se fait demander de produire des mini-tracteurs… Dotés d’un bicylindre de 703cc en V à 90 degrés doté d’un entrainement final par cardan, nous avions là les bases de la future V7 qui sortira en 1965. Le modèle « civile » sera accessible au public en 1967. La V7 actuelle en est rendue à sa troisième génération et bien qu’elle dégage une certaine nostalgie, elle bénéficie de plusieurs commodités qui nous rendent la vie plus facile.
Lorsque Pascal Bergeron de chez SM Sport me demanda quel modèle je désirais essayer dans la gamme Moto Guzzi, je lui répondis de me surprendre. N’étant pas restrictif sur les modèles de moto que j’évalue et ayant déjà roulé les plus grosses cylindrées de la marque dans le passé, je fus très heureux d’apprendre que son choix c’était arrêté sur la V7 III Stone. (En passant le III signifie troisième génération du modèle datant de 1967).
Le tour du propriétaire fût rapidement expédié. La moto ne disposant pas de choix de modes d’injection ni d’une multitude de réglages électroniques, il suffit de tourner la clé pour ramener à la vie le vaillant petit bicylindre en V transversal. Ayant déjà roulé des Honda CX650E je ne fus pas surpris par le mouvement caractéristique de va et vient qui secoue la moto de gauche à droite à chaque pulsion du bicylindre dont le pistons semblent tirer la couverture chacun de son côté. Les vibrations donnent le Parkinson aux rétroviseurs, mais une fois en marche ils redeviennent clairs et bien positionnés. Parlant de mise en route, l’embrayage et la transmission sont des perfections de progressivité et de douceur. Caler cette V7 demande une bonne dose de maladresse dont seul Gaston Lagaffe en aurait les capacités. Visant le marché des motocyclistes moins expérimentés et ceux recherchant la simplicité, les gens de la firme de Mandello Del Lario ont mis dans le mille sur ce point.
Pour stopper la Stone, un système Brembo munis de l’ABS (un seul disque à l’avant et un autre à l’arrière) constitue la puissance de freinage. Cela peut sembler limite pour une moto de 209 kg en état de marche mais dans la vraie vie c’est vraiment efficace. Du côté des suspensions, on y va de manière conventionnelle avec deux amortisseurs Kayaba ajustables en pré-charge à l’arrière et une fourche à poteaux de 40 mm sans ajustement à l’avant.
Sur les routes secondaires, sur l’autoroute et en ville elles se sortent très bien d’affaire, assez souples pour amoindrir les plus grosses bosses et assez fermes pour permettre un pilotage un peu plus agressif. Le public cible de la Stone n’étant pas vraiment des « frotteux de genoux dans les courbes » je n’insistai pas trop sur ce point. Par contre, même si elle est montée de pneumatiques étroits pour les normes d’aujourd’hui (100/90/18 à l’avant et 130/80/17 à l’arrière) je réussis à dégommer complètement les pneumatiques sans me faire peur… Côté instrumentation, pas de compte tours mais un petit voyant lumineux (rouge) nous indique qu’il est temps de changer de rapport. Plus axé sur la consommation que sur la performance, l’incitatif arrive tôt dans les tours… C’est surprenant la première fois, mais on s’habitue à la longue… Beaucoup d’informations sur le kilométrage et la consommation au bout du doigt dans le petit écran digital au bas du cadran. Le rapport engagé s’affiche aussi mais souvent un peu décalé dans le temps…
En roulant avec la Stone, je me demandais quelle moto elle me rappelait… après quelques éliminations de ma liste mentale j’en vins à la comparer à ma première moto de route, une Virago 500 1984. Elle était munie d’un bicylindre en V longitudinal et non pas transversal, mais elle aussi avait un entrainement par cardan et un refroidissement par air et 2 valves par cylindre. L’effet de couple dont étaient victimes les motos équipées de ce genre d’entrainement à l’époque n’est plus présent sur la Guzzi. On en vient même à ne plus s’en rendre compte car le silence (aucun bruit de chaine) est souvent plus facile à ignorer que le bruit… Caractéristique non négligeable pour tous ceux et celles (les femmes constituent une bonne partie des acheteurs de V7) qui veulent se simplifier la vie de motocycliste en éliminant les corvées relatives à l’entrainement par chaine (nettoyage, lubrification, ajustement, etc.).
Pour une utilisation urbaine, la Stone permet à une majorité de pilotes de poser les pieds à plat lors des arrêts (selle à 770mm du sol). Seul bémol, les repose-pieds peuvent venir en contact avec les chevilles les premières fois, mais après un certain temps on s’habitue et une nouvelle routine s’installe. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, aucun excès de chaleur ne vient gêner le pilote lors d’attente aux feux rouges en ville. Lors des stationnements, il faut être attentif au positionnement de la béquille qui se trouve placée un peu plus en arrière qu’à ce que l’on est habitué. Encore une fois, après quelques maniements, la routine s’installe.
Finalement, à qui s’adresse cette moto ? L’éventail des types de motocyclistes pouvant y trouver la monture de leurs rêves demeure quand même large. Il va du débutant pour qui une moto non intimidante mais qui peut quand même performer lorsque le besoin s’en fait sentir au plus expérimenté qui recherche une moto simple avec un héritage et une allure qui se démarque du lot. Pour ce qui est de la fiabilité, lorsqu’un moteur tire ses origines du domaine agricole, je ne m’inquiéterais pas ! Et si la Stone ne vous branche pas côté couleur ou équipement, l’une ses petites sœurs Special, Carbon Dark, Milano, Rough et Carbon Shine devrait vous combler.
Type |
Bicylindre en V, 4 temps, refroidissement par air, 2 soupapes par cylindre et culbuteurs, (conforme à la norme Euro 4) |
Cylindrée |
744 cm3 (80 x 74 mm) |
Puissance |
52 cv à 6.200 tours/minute |
Couple |
60 Nm à 4.000 tours/minute |
Allumage |
Électrique |
Lubrification |
Sous pression, carter humide avec radiateur d'huile |
Alimentation |
Injection électronique monocorps Marelli |
Transmission |
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Embrayage |
Multi disques en bain d’huile |
Boîte de vitesses |
6 rapports |
Transmission finale |
Par cardan |
Partie cycle |
|
Cadre |
Double berceau tubulaire en acier ALS |
Longueur |
2.185 mm |
Empattement |
1.463 mm |
Garde au sol |
150 mm |
Hauteur de selle |
770 mm |
Poids à sec |
189 kg, 209 kg en ordre de marche |
Suspension avant |
Fourche hydraulique de 40 mm, débattement 130 mm |
Suspension arrière |
Bras oscillant en alliage, double amortisseur réglable en précontrainte, débattement 93 mm |
Angle de chasse |
26,4° |
Chasse à la roue |
106 mm |
Frein avant |
Disque de 320 mm, étrier Brembo à 4 pistons opposés, ABS |
Frein arrière |
Disque de 260 mm, étrier flottant à 2 pistons, ABS / |
Roues |
Jantes alliages à bâtons de 18" et 17" |
Pneu avant |
100/90 x 18 |
Pneu arrière |
130/80 x 17 |
Contenances |
|
Réservoir |
21 litres |
MagazineMoto remercie SM Sport pour la disponibilité de cette moto.
Marc Paradis, Pilote d'essai et Éditeur Sénior
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