Sortir de ses pantoufles et de sentiers battus
Lorsqu’on m’a proposé d’essayer les motos KTM, un grand sourire m’a envahi. Pourquoi ? Tous simplement parce que ce sont des motos qui possèdent une excellente réputation dans leur créneau mais surtout parce qu’on n’a pas souvent l’opportunité d’en essayer, du moins en ce qui me concerne. Je suis plus un ‘mangeux d’asphalte’ qu’un pilote de double usage, donc j’ai peu d’amis motocyclistes qui roulent en KTM. Même si l’aventure semble des plus invitantes, je sors de mes pantoufles et de ma zone de confort. Mais le désir d’essayer autre chose me stimule grandement. Le motocyclisme se vit de tellement de façons différentes.
Il s’agit ici d’un produit relativement nouveau pour ce fabricant bien établi. Comme ses ambitions sont élevées et que le produit est de qualité, permettez-moi quelques lignes supplémentaires pour vous le présenter.
La renommée
Que veut dire l’acronyme KTM ? Kronreif & Trunkenpolz Mattighofen : Johann Hans Trunkenpolz est mécanicien et inventeur, Ernst Kronreif est ingénieur et actionnaire important, et Mattighofen est une petite ville au nord de Salzburg, en Autriche. On connaît les produits KTM pour leur MotoCross et les enduros. Ils ont gagné plusieurs prix dans leur domaine. Mais depuis quelques années seulement, ce fabricant autrichien, qui commercialise ses produits depuis la moitié des années 50, attaque le volet routier.
La moto d’essais est le modèle Adventure 1190. Cette moto possède un gros bicylindre 1190 cc qui développe 150 HP, avec un angle de 75 degrés entre les cylindres. Elle est haute sur roues la gazelle : 220 mm de dégagement au sol. D’entrée de jeu, on voit qu’elle vise les joueurs en tête de peloton de sa catégorie.
L’évolution double usage : L’ADN ne ment pas
Comment fait-on pour élargir ses parts de marché rapidement dans le double usage ? On prend une base solide et éprouvée, et on lui greffe ce qui manque. L’ADN de cette moto ne ment pas. Elle vient du monde du hors route.
La liste des options plus ‘civilisées’ est impressionnante et prouve le sérieux de ce fabricant à investir ce créneau. En voici quelques-uns: pare-brise ajustable en hauteur (25 mm), roues à broches sans chambre à air (assez rare), amortisseur de direction (damper), contrôle de stabilité Bosch, surveillance de la pression des pneus en temps réel, freins Brembo avec technologie ABS combinée et plusieurs ajustements ergonomiques pour rehausser le confort des longues randonnées, dont la hauteur de la selle qui peut varier de +/- 15 mm.
Il possède également une instrumentation très complète : un premier tableau de bord qui indique la vitesse, le compte tours et la vitesse (rapport) engagée. Un second tableau à cristaux liquide qui indique les options ajustables comme le mode de suspension, mode de traction, température extérieure, température de l’huile du moteur, tension électrique (volts), odomètres de voyage, vitesse moyenne, consommation d’essence en temps réel, autonomie restante, distance pour le prochain entretien, pression des pneus, etc.
L’ajustement du mode de confort offre 3 choix : confort, route et sport.
Il y a 4 modes de suspension ajustable au guidon. Ces modes ajustent la précontrainte du ressort avant et la suspension arrière comme suit : solo, solo avec bagage, duo et duo avec bagage.
De plus, cette moto offre 4 modes de traction: sport, route, pluie et hors route. Certains modes limitent la puissance du moteur à 100 HP. Ces options vous rappellent quelque chose ? Elle est vraiment bien équipée, je vous le dis. C’est surprenant.
Elle est construite sur un cadre tubulaire et elle possède un réservoir de 23 litres pour une autonomie des plus acceptables. La transmission offre 6 vitesses. L’embrayage est hydraulique et l’entraînement de la roue arrière est à chaîne. Son poids est de 230 Kg. Le ratio puissance / poids est intéressant.
Assez parlé de la moto et passons aux choses sérieuses : l’essai routier.
Une vraie gazelle
Évidemment, en 2 jours, on ne peut pas passer tout notre temps à essayer chacun des réglages, Il y en a trop. Mais on va quand même s’amuser un peu. Donc premier segment : la route. Avec une telle machine, on ne veut pas rester en ville. Malgré son gros bicylindre en V, la puissance est au rendez-vous mais elle arrive à plus haute révolution qu’attendu d’une telle configuration de motorisation.
Les vibrations sont très bien gérées. Le pare-brise est vraiment efficace malgré sa surface réduite. On ne ressent pas trop de turbulence à haute vitesse légale. À ma défense, je suis de taille moyenne. Les pilotes de grande taille auront peut-être à valider cet élément. Pour le confort du siège, il aurait fallu partir plus longtemps pour bien l’apprécier. La fermeté et le design de la selle sont, à mon avis, des éléments de confort à améliorer. La forme du réservoir protège bien du vent. Le passage des vitesses requiert une certaine fermeté. Encore une fois, l’ADN refait surface. La lecture des tableaux de bord est facile. Il y a beaucoup d’information disponible aisément accessible du bout du pouce gauche. J’aime avoir l’information de ma monture. Le reste des commandes tombe bien sous la main, pas de mauvaise surprise. Cette moto est conçue pour en prendre et ses origines ressortent ici et là. Globalement, elle assume plutôt bien ses nouvelles compétences de route.
Chemin faisant, on croise un ‘pit’ de gravelle. On y va ! Après un coup d’œil dans les miroirs, j’en profite pour faire un freinage bien appuyé. Les freins sont très efficaces. La moto demeure stable et inspire confiance. Elle possède plusieurs composantes de sécurité. On va voir son côté hors route maintenant. D’entrée de jeu, je vous dis que je ne suis pas un pilote de brousse. Mes limites personnelles vont donc aussi limiter celles des essais. C’est ici que je sors de ma zone de confort, vraiment. La moto est haute et je n’ai pas une pleine assise lorsque je mets le pied par terre. Je suis plus sur la pointe du pied. Cela me stresse un peu dans la gravelle. Le centre de gravité est haut également. Je roule craintif au début. J’apprivoise la gazelle. Grace à son grand débattement, elle pardonne certaines erreurs de pilotage comme entrer dans un (très) gros trou par mégarde. J’en suis ressorti avec grand étonnement, sueurs et sourire. Wow, elle permet de faire cela!! On se fait un circuit pour les photos et on l’exécute à quelques reprises. Le but n’est pas de faire un éditorial sur ses capacités hors route mais de sa polyvalence et sa versatilité globale.
On ne veut pas s’arrêter.
La force de la moto dans ce segment me confère une assurance très rapidement. Progressivement, on veut essayer des parcours plus accidentés, de plus grosse bosses, grimper une butte, je maîtrise mieux l’accélération à haut régime, l’amortissement, le poids, le débattement. Mais pour un ‘mangeux d’asphalte’ comme moi, c’est un exploit. Je ne veux plus m’arrêter. Je travaille fort dans certaines parties du parcours. Je me lève sur les repose-pieds, absorbe les irrégularités du terrain, je m’assoie, je pousse et tire le guidon. Je réalise que je m’amuse comme un p’tit fou. Bref, plus je la découvre et plus je réalise les attraits et avantages de cette double usage. Le jeu m’emporte et j’ai beaucoup de plaisir à explorer ce nouveau territoire plus hostile. Rien d’extravagant, rassurez-vous. J’imagine qu’avec certains réglages ergonomiques bien ajustés, le confort et la position n’en seraient que bonifiés. Toute bonne chose à une fin et on doit quitter le terrain de jeu en gravelle.
Un dernier aspect que je voulais expérimenter est de me promener dans un chemin sur terre battue, un sentier qui mène vraiment loin de la civilisation, avec des trous, de la boue, de l’herbe haute, des cailloux, tout sauf de l’asphalte quoi. La vraie nature pour avoir la sainte paix. Encore une fois, la moto s’est montrée vraiment apte pour ce genre de chemin. Elle y est très à l’aise. Elle absorbe bien les aléas de la chaussée. L’équilibre de la moto est facile à maintenir. Debout sur les repose-pieds, on contrôle la situation. Je dois donner également une bonne note aux pneus avec une sculpture à crampons : dans une courbe sur route asphaltée à vitesse soutenue tout comme sur les chemins les moins fréquentés, l’adhérence est étonnante. Comme me disait le représentant du concessionnaire : « en cas de problème, le gaz dans l’fond » . Ce conseil me semblait un peu bizarre au début mais je dois lui donner raison. C’est la machine idéale pour se sauver de la civilisation.
La grande séduction
Les points forts de cet essai sont multiples. La moto dégage vraiment un sentiment de solidité, de robustesse et de fiabilité. La liste d’options est longue et plusieurs ajustements sont possibles. Elle est très polyvalente et elle révèle son grand potentiel à l’usage. Elle est à son meilleur en hors route. KTM a sorti de ses sentiers battus et de ses pantoufles lui aussi pour concocter ce double usage des plus polyvalents, et c’est réussi. La fibre même du constructeur n’est pas compromise. La grande séduction de ce fabriquant pour le mode tourisme est à ses débuts et il manque encore un certain niveau de confort, de douceur et de raffinement pour rejoindre voir même surpasser les meneurs de peloton. La fondation est bien établie et la détermination est évidente. Souhaitons que le prix demeure en deçà des meneurs car la marque ne jouit pas encore du prestige de ces derniers dans ce créneau double usage. La compétition n’a qu’à bien se tenir car l’ambition de l’évolution de cette moto est bien claire, et elle se réalisera plus vite qu’on le pense. La KTM 1290 Super Adventure 2015 est peut-être la réponse.
Et si l’évolution du motocycliste que je suis, suite aux dizaines de milliers de kilomètres d’asphalte parcourus depuis des années, devait passer par un coté plus zen et nature…?
Martin Dupuis
Cet essai a été rendu possible grâce à la collaboration de Enduro KTM de Beauport .
Dominic Labadie, Martin Dupuis, Claude Gaboury
Collaborateurs, MagazineMoto.com